Le 7 juin 2014, de Guy Millière
J’ai dit que je reviendrais sur la situation d’ensemble en Europe après les élections européennes. C’est ce que j’entends faire ici, avec le recul qu’offre une dizaine de jours.
Au delà du rejet de la construction européenne, un désintérêt pour l’Europe
Plus que jamais, le premier message m’apparait être celui délivré par l’abstention. Dans tous les pays d’Europe, celle-ci a été massive. Sans équivalent avec ce qu’elle est lors d’autres élections. Il existe clairement, au delà du rejet de la construction européenne telle qu’elle s’accomplit, un désintérêt pour l’Europe. De plus en plus de gens en Europe se sentent étrangers à l’Europe qui se construit. Ils discernent que les décisions se prennent au dessus d’eux, et que la démocratie ã l’échelle européenne n’est plus qu’un simulacre auquel ils se sentent étrangers. Ici ou là, des gouvernements désignés démocratiquement ont été remplacés par des gens mandatés par l’Union, aux fins de faire ce que l’Union exigeait, et cette brutalité a laissé des traces dans les esprits bien au delà des pays concernés. En confisquant la démocratie au nom d’un absolutisme technocratique aux allures de despotisme éclairé, ceux qui ont construit l’Europe ont dangereusement érodé la confiance en la démocratie en Europe.
Le rejet de l’immigration, la xénophobie, parfois le racisme, et l’hostilité à l’islam
Le deuxième message est celui délivré par la montée des mouvements définis comme populistes et par ce qu’ils incarnent. Ces mouvements étant divers, il importe de voir les points où leurs programmes se recoupent.
• Le premier de ces points est le rejet de l’immigration, la xénophobie, parfois le racisme clair et net, l’hostilité à l’islam.
• Le second est un rejet de la mondialisation, poussé parfois (pas toujours) jusqu’au rejet de l’économie de marché elle-même.
De plus en plus de gens en Europe voient déferler sur leurs pays une immigration subie, qui s’intègre de moins en moins, qui est désormais porteuse de nets surcroîts de délinquance et de principes de civilisation non judéo-chrétiens.
Ces gens voient non seulement que l’Union favorise cette immigration, mais jugule les possibilités de lutter contre elle, et prone un relativisme culturel, désormais omniprésent dans les grands médias. Ces gens voient aussi que l’Union européenne semble prôner mondialisation et marché tout en imposant des systèmes de règles et de subventions complexes et asphyxiants qui conduisent un nombre croissant d’économies d’Europe vers l’asthénie.
En ayant ouvert les vannes de l’immigration, et en particulier de l’immigration musulmane, et en ayant prôné et contribué à disséminer le relativisme, ceux qui ont construit l’Europe sont parvenus à des résultats qui sont l’inverse de ce qu’ils voulaient obtenir: des populations rejetant l’étranger, crispées, tentées par le repli sur soi, qui se sentent menacées physiquement et culturellement, et qui rejettent l’islam en bloc.
En ayant parlé de mondialisation et de marché tout en pratiquant le technocratisme étatiste, ceux qui ont construit l’Europe sont là encore parvenus à des résultats inverses de ceux qu’ils voulaient obtenir: le protectionnisme est de retour en Europe, le rejet de la mondialisation et du marché planétaire gagnent du terrain.
Si on ajoute les éléments de politique étrangère présents dans le programme de la plupart des partis « populistes » continentaux (l’exception étant le parti de la liberté de Geert Wilders), on voit se dessiner un anti-américanisme qui, dans l’histoire, a toujours été synonyme de rejet de la liberté, et une inclination pour des pays tels que l’Iran ou la Russie (inclination particulièrement marquée pour le Front National en France ou Jobbik en Hongrie) qui montre une tentation autoritaire claire.
L’Europe va continuer à avancer vers l’implosion
Dès lors que, je l’ai déjà écrit, la construction européenne va se poursuivre comme si de rien n’était, dès lors que les grands médias vont continuer à tenir les discours qu’ils tiennent, dès lors que les mêmes causes vont continuer à produire les mêmes effets, je déduis que l’Europe va continuer à avancer vers l’implosion. Le « populisme » sous toutes ses formes va continuer à monter en puissance.
Les frustrations face à la réduction de la démocratie à un simulacre vont s’exacerber, et permettre l’émergence de tentations autoritaires en Europe même. Le nationalisme qui monte de multiples côtés et va sans doute continuer à monter, aura une dimension de retour du refoulé, et sera un nationalisme tétanique, aveugle à l’évolution planétaire.
Ce nationalisme, conjugué aux tentations autoritaires, ne se contentera pas de rejeter l’islam en bloc, mais s’en prendra toujours plus à ce qui est différent de l’identité nationale affirmée. En pareil cas, l’antisémitisme est toujours présent, et, comme je l’ai dit lors de mes récentes conférences, à la haine anti-juive islamique va s’ajouter toujours davantage une haine anti-juive de droite contre les « juifs visibles » ne montrant pas tous les signes d’une pleine assimilation, et une haine anti-juive gauchiste dirigée contre les Juifs susceptibles d’être accusés de « sionisme ».
Les tentations protectionnistes vont s’accentuer dans les pays les plus touchés par le déclin économique, et la France fait partie de ces pays. Les tentations socialistes vont elles-mêmes s’accentuer dans les pays les plus touchés par le déclin économique. La victoire de Syriza en Grèce est celle d’un parti ultra-socialiste, mais le programme d’Aube dorée, parti national-socialiste, est aussi celle d’un parti ultra socialiste, car le national socialisme est un socialisme. La victoire du Front National en France est aussi celle d’un parti ultra socialiste et résolument étatiste, hostile au libre marché.
L’Europe de demain sera plus fragmentée, plus striée de tensions. Elle sera moins encore qu’aujourd’hui une zone de dynamisme et d’innovation. Elle sera plus encore qu’aujourd’hui une zone instable, proie de guerres civiles froides ou tièdes, Elle sera une zone crépusculaire économiquement et culturellement, et une zone à l’avenir politique très incertain, écartelée entre la technostructure européiste et des protestations nationalistes et socialistes impuissantes.
Il ne s’y opérera pas tant un remplacement des populations de « souche » par des populations musulmanes qu’un glissement des populations de souche vers une angoisse sans perspective et une montée en puissance de populations musulmanes elles-mêmes sans perspectives, puisqu’elles seront venues attirées par la richesse européenne et par la redistribution et verront la richesse disparaitre et la redistribution s’amenuiser. A l’angoisse des premières répondra la frustration des secondes.
Ce qui est pathétique est que l’Europe a été le berceau de la civilisation occidentale, et que ce berceau va peu à peu s’estomper, avec plus ou moins de violence, plus ou moins de dépression.
Ce que les historiens du futur noteront est que cet estompage est logique. Il s’est opéré depuis au moins quatre siècles une décantation. Les êtres humains les plus aventureux, les plus entreprenants, les plus épris de liberté sont partis vers l’Amérique du Nord.
L’Europe a été le continent des nationalismes crispés qui ne datent pas d’hier, puisqu’ils ont conduit à toutes les guerres intra-européennes, jusqu’à la Deuxième guerre mondiale. L’Europe a été le continent du socialisme et la matrice de tous les totalitarismes. Elle a été le continent du christianisme antisémite pendant des siècles, puis des nationalismes antisémites.
Les nationalismes crispés l’ont conduite au désastre entre 1914 et 1918. Les Etats Unis ont tenté une première fois de la sauver du désastre. En vain.
L’entre deux guerres a vu la montée du léninisme, du fascisme, du nazisme, du socialisme, de la haine antisémite. Il y a eu un deuxième désastre, qui a duré jusqu’en 1945. Les Etats Unis ont tenté à nouveau de sauver l’Europe du désastre.
Ils ont permis la construction européenne, la construction libérale, celle qui devait conduire à un grand marché.
L’esprit européen a injecté dans la construction libérale l’esprit technocratique. Graduellement, l’esprit technocratique a pris le dessus. Il s’est vite doté de dimensions constructivistes qui ont prétendu effacer les identités, imposer relativisme et multiculturalisme.
Nous sommes face aux conséquences. Les Etats Unis, contaminés par les venins relativistes et multiculturalistes venus d’Europe, ne seront peut être pas là pour sauver l’Europe une troisième fois.
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